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Prise d’acte de rupture: ce qui a changé en 2015

La prise d’acte est un mode de rupture « alternatif » du contrat de travail: le salarié quitte l’entreprise en raison de griefs qu’il reproche à son employeur. S’il a raison, la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sinon, c’est une démission.

On sait que depuis des arrêts du 26 mars 2014, la Cour de cassation a « durci » le régime de la prise d’acte de la rupture en exigeant désormais que, pour emporter les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la prise d’acte doit être motivée par des griefs empêchant la poursuite du contrat de travail.

Cette jurisprudence, largement confirmée depuis (par ex. arrêts du 18 février 2015, 11 mars 2015, 9 juin 2015 etc.) a remis en cause des solutions qui semblaient acquises tout en confirmant des jurisprudences antérieures.

Il est désormais tenu compte du caractère « véniel » de certains manquements, même si ce sont, formellement, des infractions au Code du travail, ou de leur ancienneté et/ou de leur caractère isolé.

Ainsi, certaines situations, qui permettaient auparavant de faire reconnaître presque « automatiquement » une prise d’acte comme justifiée, ne justifient plus nécessairement la prise d’acte. C’est le cas :

– de l’absence de visite médicale d’embauche due à une simple négligence de l’employeur (Soc. 18 février 2015)

– ou de l’absence de fixation des objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable, en l’absence de réclamation préalable du salarié (Soc. 25 juin 2015).

– de faits de discrimination syndicale anciens et isolés, n’ayant pas eu d’incidence sur la carrière du salarié (Soc. 15 avril 2015).

En revanche, d’autres situations justifient encore, comme avant 2014, la prise d’acte:

– le non paiement des heures de délégation à un représentant du personnel, pendant 5 mois (Soc. 17 décembre 2014)

– le fait de ne pas reclasser ni licencier un salarié déclaré inapte (Soc. 31 mars 2015)

– la non fourniture de travail au salarié de retour d’arrêt maladie (Soc. 9 juin 2015) ou dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique (Soc. 13 mai 2015)

– le non paiement de la rémunération ( Soc. 2 juillet 2015)

Ces situations correspondent à des manquements aux obligations « basiques » de l’employeur : fournir du travail et un salaire, respecter le droit syndical, …

D’autres situations restent incertaines. Ainsi, s’agissant du non paiement d’heures supplémentaires, une cour d’appel a pu juger que cela n’empêchait pas la poursuite du contrat (Soc. 27 novembre 2014), tandis qu’une autre a pu juger que le non paiement des heures supplémentaires dues en raison d’une convention de forfait-jours illicite justifiait la prise d’acte (Soc. 21 janvier 2015).

A propos du harcèlement moral, celui-ci ne justifie plus nécessairement la prise d’acte. Il faut que le juge apprécie si ce manquement empêche la poursuite du contrat (Soc. 11 mars 2015). L’importance qu’attache la Cour de cassation à l’obligation de sécurité de l’employeur, dont le harcèlement est le manquement le plus flagrant et la lutte contre le harcèlement lui-même devraient néanmoins conduire à la reconnaissance de la prise d’acte.

En dehors des motifs, l’articulation entre prise d’acte et réalisation d’un préavis demeure identique. Le salarié ayant pris acte peut effectuer un préavis, sans remettre en cause le bien fondé de sa prise d’acte (Soc. 9 juillet 2014), mais ne pourra pas demander une indemnité compensatrice du préavis qu’il a effectué (Soc. 21 janvier 2015). S’il n’a pas effectué de préavis, il pourra demander le paiement de l’indemnité compensatrice, même si son état de santé ne lui permet pas de l’exécuter (Soc. 9 juin 2015). Inversement, si la prise d’acte est requalifiée en démission, l’employeur peut toujours réclamer le paiement d’une indemnité équivalente aux salaires du préavis non exécuté (Soc. 15 avril 2015).

Le régime de la prise doit donc encore être précisé par la Cour de cassation, d’autant que la décision de prendre acte, acte radical, ne peut pas être rétractée (Soc. 23 juin 2015).

 

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