Désordres sur parquet, carrelage et autre revêtement de sol : quelle garantie actionner ?
- 20 décembre 2016
- pierre-hugues poinsignon
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Fissures ou micro-fissures sur le carrelage, gonflement, retrait ou tuilage du parquet… Quelle garantie s’applique ?
Bien sûr dans le cas où les désordres portent atteinte à la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, ce serait la bien connue « garantie décennale » qui a vocation à s’appliquer. Pas si sûr …
Intéressons-nous aux désordres considérés comme purement « esthétiques » (c’est à dire n’entrant pas dans le cadre de la garantie décennale) mais pourtant bien réels :
Dans l’année suivant la réception, c’est la « garantie de parfait achèvement » qui devra être actionnée : le maître d’ouvrage signale les désordres au constructeur, qui doit les reprendre dans des délais raisonnables sous peine de se voir condamner à prendre en charge les frais de réparation avancés par le maître d’ouvrage qui aura été contraint de faire intervenir une tierce entreprise en raison de la carence du constructeur.
Ce point n’est pas problématique, à condition toutefois de délivrer l’assignation avant l’expiration du délai de prescription, soit dans le délai d’une année à compter de la réception (expresse, tacite ou judiciaire). NB : Un simple courrier recommandé ne suffit pas à interrompre le délai de prescription, seule l’assignation (même en référé) a un effet interruptif.
Intéressons-nous aux désordres survenus (ou non déclarés) après l’année de parfait achèvement :
Dans ce cas, le réflexe était d’actionner la « garantie biennale de bon fonctionnement » prévue à l’article 1792-3 du Code Civil.
L’action dans le cadre de cette garantie devant être exercée dans le délai de deux ans à compter de la réception, le maître d’ouvrage n’ayant pas à rapporter la preuve de faute du constructeur, lequel est bien souvent assuré pour ce type de désordres (au titre d’une police certes non obligatoire mais souvent accessoire à l’assurance de responsabilité décennale elle-même obligatoire).
C’était sans compter les évolutions récentes de la Jurisprudence, qui vient ajouter des conditions à la « garantie biennale de bon fonctionnement » :
Désormais, l’élément doit semble-t-il avoir un caractère « dynamique« , ce qui exclut les éléments « non destinés à fonctionner » qui peuvent donc être qualifiés d' »inertes »…. Comme … le carrelage ou le parquet !
Depuis ces dernières années, il semble donc que les désordres affectant des éléments tels que le parquet ou le carrelage relèvent non plus de la garantie biennale mais de la garantie de droit commun.
Conséquence ? Le maître d’ouvrage devra donc engager la responsabilité contractuelle du constructeur (dans le délai de cinq ans à compter de la réception), en prouvant qu’il a commis une faute ayant occasionné les désordres.
La situation est donc moins confortable pour le maître de l’ouvrage, lequel pourra difficilement faire l’économie d’une expertise judiciaire afin d’identifier la cause des désordres, étant précisé que ceci pose d’inévitables difficultés quant à l’application de la couverture des assureurs.
Finalement la situation apparaît claire : les désordres sur les parquets et carrelage portant atteinte à la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination relèveraient de la garantie décennale, tandis que ceux ne portant atteinte à la solidité de l’ouvrage ou ne le rendant pas impropre à sa destination relèveraient de la garantie contractuelle de droit commun.
Pourtant tout n’est pas si simple, l’évolution récente de la Jurisprudence tendant à considérer que ce serait l’importance des travaux qui ferait, en présence d’apport d’élément d’équipement, un ouvrage soumis à garantie décennale.
Le choix du fondement juridique de la garantie devra-t-il donc se faire selon le volume (en quantité ou en valeur?) réalisé par le constructeur ?
En définitive, il semble bien que les revêtements de sols qui nous intéressent, quel que soit leur volume, n’étant pas considérés comme des éléments « dynamiques », seule la garantie contractuelle s’appliquera, au détriment des maîtres d’ouvrage…
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